Lacq : une véritable poubelle souterraine
Gratuite pour Total, confiée plus tard au contribuable
Article mis en ligne le 22 mai 2014

Conférence de presse du 17 mars 2014

Comment injecter des effluents chimiques dans le Crétacé 4000 sans payer un euro

Qu’est-ce que le Crétacé 4000 ?

Le Crétacé 4000 est constitué par des couches géologiques situées à 4000 mètres de profondeur formé pendant une période géologique qui s’étend de -145,5 à -65,5 millions d’années [1].

C’est là que l’on a trouvé le gisement de gaz de Lacq contenant de l’hydrogène sulfuré et exploité depuis les années 50.

L’utilisation du Crétacé 4000 comme poubelle chimique sur Lacq

Si au départ on exploitait le gaz contenu dans le Crétacé 4000, on y ré-injectait également des effluents provenant de l’activité minière de Elf, devenu Total.

Mais depuis le milieu des années 70 s’est ajoutée l’injection d’effluents liquides toxiques (cyanure, brome) provenant des unités chimiques installées sur le complexe de Lacq.

Plusieurs millions de dette à l’État

En 1999 a été créée en France une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), à laquelle sont soumis tous les stockages de déchets.

L’injection de déchets en Crétacé 4000 rendait donc Total EPF redevable de cette taxe [2].

En 2008 l’administration décide donc que Total EPF devait payer plus de 6 700 000€ à l’État pour l’injection des effluents toxiques considérée comme activité polluante pour les années 2003, 2004, 2005 et 2006.

En 2009 Total EPF demande l’annulation de cette mise en recouvrement. Mais par jugement du 8 avril 2011, Total EPF est finalement condamné à payer plus de 4 millions 438 mille d’euros à l’État.

Comment Total EPF obtient-il le droit de polluer sans payer

Pour contrer cette condamnation, le lobbying de Total est efficace. Un amendement déposé par un parlementaire prévoit ainsi dans la loi de finances de 2012, l’exonération de Total EPF de la taxe générale sur les activités polluantes. Il affirme que l’injection d’effluents liquides dans le Crétacé 4000 " n’est pas une activité polluante : c’est simplement de l’eau salée » [3].

Le contentieux opposant le ministère des finances et la multinationale concernant la dette fiscale de plus de 4 millions d’euros se poursuit.

Adieu Total EPF, bonjour GEOPétrol

En 2014, Total EPF cessant l’exploitation du gaz de Lacq se retire. C’est GEOPétrol qui prendrait le relais nous annonce-t-on. GEOPétrol se substituera à Total EPF pour les concessions d’hydrocarbures et le stockage dans le Crétacé 4000. Ceci constitue un changement d’exploitant.

La société GEOpétrol est une société « jeune » (créée en 1993), de faible envergure financière (18,7 millions d’euros de chiffre d’affaire, comparé à Total EPF on appréciera). Son activité est de reprendre des anciens sites d’exploitations d’hydrocarbures qui ne sont plus assez rentables pour les grosses entreprises. Elle dispose de 16 concessions en France mais uniquement de 3 permis d’exploitations.
Elle emploie peu de personnel et recourt systématiquement à la sous-traitance avec tous les problèmes de sécurité que cela comporte.

Personne d’autre que Total n’a d’intérêt dans ce transfert :

  ni l’administration qui ne pourra plus se retourner vers Total en cas de dommage (intrusion d’eau dans le gisement, comme cela s’est déjà produit en 1996, entraînant la contamination de nappes d’eau, ou contamination éventuelle de gisements potentiellement exploitables en géothermie, par exemple). En effet, en matière de réhabilitation de sites, l’administration ne connaît que le dernier exploitant : s’il s’agit de GEOPétrol, il sera insolvable sur des dommages et un passif environnemental importants ;
  ni les collectivités publiques qui n’ont aucun intérêt à voir Total se défausser de toutes ses responsabilités, et qui se verront, en bout de chaîne, hériter de ce site souterrain contaminé ;
  ni les syndicats et les salariés qui verront se généraliser l’externalisation des postes, le recours systématique à la sous-traitance et donc le dumping sécuritaire déjà pratiqué par les sous-traitants mis en situation de concurrence ;
  ni bien sûr les riverains et les associations de protection de l’environnement qui verront disparaître avec ce transfert, la responsabilité de la seule entreprise réellement solvable et capable financièrement de faire face à sa responsabilité historique, et sur le long terme à des dommages éventuels et à la remise en état du site en cas de dysfonctionnement ou d’impact environnemental imprévu.

Nous demandons donc :

  que l’administration refuse ce changement d’exploitant, puisque le nouvel exploitant ne présente pas les capacités techniques et financière requises par la maintenance et la responsabilité à long terme de cette décharge souterraine de produits chimiques unique en France ;
  qu’un fonds de garantie soit aujourd’hui imposé par les pouvoirs publics. Abondé chaque année par les entreprises qui profitent des injections, et par les exploitants passés et futurs de l’injection, il serait géré par un organisme public et disposerait d’une somme permettant, dans l’avenir, de faire face à tout incident, à toute « mauvaise surprise » relative au confinement des déchets chimiques et aux dommages environnementaux qui pourraient survenir.